Le marae de Nuurua situé à Varari au PK 31,5 dans la commune de Haapiti, comporte une grande pierre en basalte de 2,50 mètres de long, qui était autrefois dressée, dont la surface est percée de très nombreux petits trous, l’Ofai Ho’ipû. Les guerriers qui convoitaient le titre royal devaient se soumettre à un rituel bien particulier, qui en apparence semblait simple, mais en réalité était un piège. Le défi consistait à compter tous les trous de la pierre sans reprendre son souffle, en énumérant à haute voix :
A tahi ho’ipû, Un ho’ipû
A rua ho ipû, Deux ho’ipû
A toru ho’ipû, Trois ho’ipû
A hâ ho’ipû, Quatre ho’ipû
A rima ho ïpû, Cinq ho’ipû…
Si un guerrier venait à respirer, il avait instantanément la tête tranchée. De très nombreux guerriers tentèrent, sans succès, de relever ce défi. L’histoire orale relate cependant deux cas de succès.
La ruse des jumeaux
Un grand guerrier, Tapuhute se présenta au crépuscule devant la pierre et commença l’épreuve. Fetunania, son frère jumeau et sosie parfait, aussi bien en apparence que par la voix, profita alors de la pénombre pour se glisser sans être vu derrière la pierre. Lorsque le premier commença à perdre son souffle, son frère caché le relaya en comptant à voix haute, le premier continuant de son doigt à pointer les trous tout en remuant les lèvres muettes. Lorsqu’il eut retrouvé son souffle, il compta à nouveau à voix haute. Les jumeaux procédèrent ainsi jusqu’à épuisement des trous. Les prêtres pensant avoir entendu la même voix jusqu’à la fin, Tapuhute reçut les applaudissements de la population et les jumeaux furent proclamés roi.
L’astuce de Hiro
Le célèbre navigateur Hiro entendit parler de ce défi et fit voile vers Nuurua. Les règles du jeu lui furent exposées et après avoir réfléchi, demanda s’il était permis d’utiliser tous les doigts de ses mains. Il lui fût répondu par l’affirmative. Hiro posa alors en même temps ses dix doigts dans dix trous et compta en récitant :
A tahi tini ho’ipû, Une dizaine de ho’ipû,
A rua tini ho’ipû, Deux dizaines de ho’ipû…
En comptant par dizaine, Hiro réussit ainsi à compter très rapidement tous les trous de la pierre sacrée sans perdre son souffle. On prétend que c’est à ce moment-là que la pierre se coucha.
Sources :
D’après des textes de TEHUIOTOA Hubert
EMORY Stone remains in the Society Islands, Bernice P. Bishop Museum, Bull. 116 Hawaï 1933.
HENRY Teuira. Tahiti aux temps anciens
Mark EDDOWES, Marae Nuurua 08/1999 CPSH
MANU-TAHI Ch. Teriiteanuanua. L’histoire des sites et des ancêtres de Moorea 2005