Les habitants d’Anaa prétendent que le cocotier est originaire de leur île. Ils feignent d’ignorer que le premier cocotier vient de Papeari à Tahiti et qu’il est sorti de la tète d’une anguille.
Une anguille gigantesque nommée Faaruaianuu demeurerait avec sa femme Teipotutemarama dans la vallée de Vaihiria à Mataiea. Par crainte et par dégoût de son mari l’anguille, cette femme résolut de le quitter et d’aller demander protection au héros Maui qui habitait la grotte Faana dans le district de Vairao.
Maui l’accueillit en lui disant: Haere mai, e tere to oe (Viens, quel est le but de ton voyage ?)
– Aroha mai oe ia’u (aie pitié de moi) lui répondit-elle.
– Que désires-tu de moi ?
– Je voudrais que tu tues mon mari l’anguille. »
– J’accepte, dit Maui, mais jusqu’à ce jour, aucun guerrier n’a pu tuer Faaruaianuu. Il faut que je trouve un moyen.
Comment tuer Faaruaianuu ?
Après-avoir réfléchi, Maui dit à la femme : « Voici ce que je ferai, je couperai des troncs de cocotiers pour confectionner un chemin qui permettra à l’anguille de venir à terre. Pendant qu’il parlait l’anguille apparu au large, se dirigeant vers la terre, suivie par des nuées d’oiseaux de mer. Maui prit son omore (massue) et se rendit sur la plage pour attendre l’arrivée de l’anguille.
– Faaruaianuu, lui cria-t’il, haere mai. »
L’anguille répondit: – Ma femme Teipotutemarama n’est-elle point venue vous voir ?
– Oui, elle est ici.
– Rends-la moi !
– Je ne te la rendrai pas. Nos forces respectives décideront de son sort. Va la chercher, elle est dans ma grotte.
L’anguille se dirigea donc vers la grotte en utilisant comme chemin les troncs de cocotiers placés en travers par Maui. Alors celui-ci frappa à différentes reprises la tête de l’anguille avec sa massue. Mais impossible d’en venir à bout, elle était toujours pleine de vie et continuait son chemin en disant: « Prends garde Maui, tâche de réussir. »
Sa tête était déjà à l’entrée de la grotte, alors que l’extrémité de sa queue quittait à peine la plage. C’est alors que Maui se souvint que chez les anguilles, le point vulnérable est la queue. Il lui asséna alors un coup si formidable sur le hiu (queue d’un poisson) que la queue fut séparée et rebondit au loin.
– Tu as gagné, Maui, cria l’anguille, tu m’as tuée.
Maui sépara alors la tète de l’anguille du reste du corps, puis il fit un panier où il la plaça et donnant le paquet à Teipotutemarama : « Tiens, lui dit-il, prends cela (taua), emporte-le et ne le dépose que quand tu seras parvenue à l’endroit d’où tu viens. »
Les rivières Vaima et Vaiite de Vaiari (Papeari)
Cette femme se mit donc en route portant la tête de son mari, l’anguille. Mais arrivée à Pani dans le district de Vaiari (Papeari), se sentant fatiguée, elle s’arrêta et posa son panier à terre et se baigna dans la rivière qui coule en cet endroit. Mais elle eut beau se frotter, elle ne parvint pas à se nettoyer. Elle sortit de l’eau et, sans penser à son paquet reprit sa route vers son lieu de naissance.
Arrivée à l’embouchure d’une nouvelle rivière, elle se baigna de nouveau et, se sentit purifiée. C’est pourquoi depuis, ce temps-là, cette rivière s’appelle « Vaima » (eau pure). Bientôt elle parvint à l’embouchure d’une autre rivière et c’est là seulement qu’elle s’aperçût qu’elle avait oublié le panier contenant la tète de son mari. Aussi cette rivière prit-elle le nom de « Vaiite » (l’eau où on se souvient).
La pêche au harpon à l’embouchure de la Vaima
Un jeune cocotier à la place de l’anguille
Teipotutemarama revint alors sur ses pas jusqu’à Pani pour reprendre son paquet. Mais la tête de l’anguille avait disparu et, à la place, il n’y avait qu’un jeune cocotier. Elle se prit alors à regretter de n’avoir point suivi à la lettre les ordres de Maui, car, dit-elle, si je lui avait obéi. je posséderais aujourd’hui tous les cocotiers. Elle se mit en route mais, arrivée à Mataiea, son pays d’origine elle mourut parce quelle avait enfreint les ordres de Maui.
Cependant le jeune cocotier ayant grandit, produisit deux fruits qui tombèrent à la mer. L’un était mâle et l’autre femelle, pourtant tous deux étaient bien des « opaa » Portés par les flots, ils partirent à la dérive et atteignirent ainsi l’île d’Anaa, dans les Tuamotu. Le mâle mourut, et seule la femelle aborda sur la plage.
« Qu’est-ce que ce fruit étrange ? se dirent les habitants d’Anaa, essayons de le planter; nous verrons ce qui en sortira. »
Le coco germa, donna une tige, puis des feuilles: il grandit et porta des fruits. Les habitants d’Anaa prirent ces fruits et les plantèrent jusqu’à ce que l’île fut toute couverte de cocotiers. Ils eurent alors l’idée de manger ces cocos et les trouvèrent délicieux.
Le cocotier se répandit ensuite dans toutes les îles des Tuamotu et les habitants d’Anaa prétendirent que cet arbre était, originaire de leur île, car ils ne pouvaient savoir qu’il venait de Vaiari et qu’il était sorti de la tète d’une anguille.
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Sources :
Malardé J. Société des études océaniennes 1936. bull n°58, p 671-673