Un peu de pudeur pour les missionnaires, et du travail pour tous. L’étoffe de tapa (tissu végétal) était réservée à la parure et aux vêtements cérémoniels. En temps ordinaire, les mangaréviens vivaient pratiquement nus. Or le climat des Gambier rendait fort souhaitable un véritable habillement – que la décence missionnaire, de toute façon, imposait. Il fallait s’en tirer par les moyens du bord et ce fut un succès.
Les missionnaires demandèrent à leur congrégation l’envoi d’un tisserand pour confectionner des étoffes avec le coton qui pousse dans l’archipel afin de vêtir la population démunie. Le Père Potentien Guilmard, qui est tisserand, arrive le 13 septembre 1837 pour lancer la production. Douze filatures et établissements de tissage furent crées dans diverses îles des Gambier. Les mangaréviens y fabriquaient d’excellentes étoffes en coton.
Le père Cyprien fit élever deux grandes filatures dont celle de Rikitea, dénommée la maison des frères tisserands. C’est un impressionnant bâtiment de deux niveaux construit avec d’épais murs en pierre de corail qui mesure 28 m de longueur. La maison des frères tisserands de Rikitea a été remise en état en 1998 en conservant la traditionnelle couleur bleu et blanc des bâtiments religieux des Gambier.
La mission a lancé des concours de tissage dans le but non seulement de vêtir la population mais également, par le biais d’une émulation, de donner aux femmes, comme cela se faisait pour les hommes en matière de construction, le goût du travail.
Sources :
LAVAL Mémoires pour servir à l’histoire de Mangareva. Société des Océanistes 1968 p. 222, 224. CRUZENT, Voyage aux îles Gambier, p. 47
Photos Olivier Babin, avril 2012