La légende de l’origine de l’arbre à pain (tumu uru) est une belle histoire d’amour familial – un père se sacrifie pour permettre à sa famille de survivre à la disette – qui devrait nous faire réfléchir en cette période de crise !

La famine sévit à Raiatea

Il y a fort longtemps, la famine s’installa à Raiatea, pendant le règne du roi Noho-ari’i et on disait alors en parlant de Uturoa (Raiatea) :

  • Uturoa qui court au fara (le pandanus qui servait de nourriture)
  • Uturoa à la terre rouge (la terre rouge qui servait de nourriture)
  • Uturoa réduit à l’âcre teve (variété de Ape)
  • Uturoa au crabe de terre au dos amer

Rua-ta’ata et son épouse Rumau-ari’i se lamentaient sur le sort de leurs quatre enfants affamés qui étaient contraints de manger de la terre rouge et les conduisirent à une caverne dans la montagne pour y manger des fougères. Un soir Rua-ta’ata dit à son épouse :

« O Rumau-ari’i, lorsque tu t’éveilleras le matin va dehors et tu verras mes mains qui sont devenues des feuilles, regarde le tronc et ses branches, ce sera mon corps et mes jambes, et le fruit rond que tu verras sera mon crâne ; le cœur du fruit sera ma langue. Fais rôtir le fruit, laisse-le tremper dans l’eau puis enlève la peau en le battant et manges-en, puis donnes-en à nos enfants ; ainsi vous n’aurez plus faim »

Puis Rua-ta’ata partit laissant sa femme dans la grotte avec les enfants.

La place de l’arbre à pain

Le lendemain Rumau-ari’i se leva de bonne heure et constata que l’entrée de la caverne était ombragée par un arbre splendide, et que des fruits mûrs étaient tombés sur le sol. Tout se passait comme son mari l’avait prédit et elle nomma cette petite vallée Tua-uru (Place de l’Arbre à pain). C’est alors qu’elle saisit le sens des paroles de son mari, et, tout en pleurant, elle ramassa les fruits, les fit cuire et en nourrit ses enfants et en mangea elle-même.

A la recherche du fruit mystérieux

Un jour, les serviteurs du roi pénétrèrent cette vallée pour y chercher des anguilles et des chevrettes et aperçurent des peaux du fruit de l’arbre à pain qui descendaient le courant. Ils les ramassèrent et ayant goûté les morceaux qui y étaient fixées, s’écrièrent « Comme cette nourriture est bonne ! D’où vient-elle ? » Ils se mirent alors à la recherche de ce fruit dans le fond de la vallée et arrivés à la petite clairière, aperçurent l’arbre merveilleux.

Rumau-ari’i était auprès de l’arbre et ils l’interrogèrent : « Quel est ce fruit ? »
Elle répondit : « C’est le Uru ».
« D’où vient-il ? ».
« D’ici, de mon mari Rua-ta’ata qui se changea en arbre à pain par chagrin de nous voir sans nourriture mes enfants et moi »

Ils admirèrent tous l’arbre, avec ses branches penchées vers la terre et couvertes de fruits.

Raiatea, Taha’a puis Bora Bora

Un homme de Taha’a arracha une des racines de l’arbre et l’emmena à Taha’a où il la planta. Elle poussa et donna un arbre à pain.

Les serviteurs du roi ramassèrent des fruits mûrs et en remplirent la pirogue qui leur servait pour les cérémonies, et ils soufflèrent dans le pu (conque) pour annoncer l’arrivée des premiers fruits et pagayèrent jusqu’à Opoa (Raiatea), le grand lieu où la famille royale inaugurait la fête des premiers fruits du pays.

Le roi Noho-ari’i ayant trouvé la nourriture très bonne envoya ses serviteurs pour déplanter l’arbre et le replanter à Opoa et ramener également les propriétaires de l’arbre. Ils s’en furent et, revenant avec les propriétaires, plantèrent l’arbre en présence du roi. Une femme, nommée Toea-nui-oe-hau (Grand reliquat sensationnel), supplia qu’on lui donnât un paquet de racines qu’elle alla planter dans une vallée située loin à l’intérieur , cette vallée s’appela Maiore. Ce nom fut utilisé pour désigner le fruit après que le roi Mahuru de Ra’iatea eût pris le nom d’Uru et par la suite les têtes humaines furent appelées upo’o au lieu d’uru par déférence pour le roi qui avait adopté ce nom.

Le premièr fruit produit à Bora Bora, il y a bien longtemps, fut appelée Teiti, du nom de la femme qui prit une racine à Opoa et la planta à Bora Bora.

Ru-mau-ari’i et ses enfants pleurèrent la disparition de l’arbre, mais au bout de peu de temps des rejets sortirent, issus des racines restées sous terre et formèrent un bouquet d’arbres qui, bientôt, porta de nombreux fruits.



Légende de l’arbre à pain en tahitien – ’Ā’ai nō Ruata’ata ‘e te tumu ‘uru


Commentaires

Sources :

D’après la légende de Raiatea écrite en 1887 par Tupaia, maître d’école à Ra’iatea sous la dictée de son grand-père Tataura.
Teuira Henry, Société des Océanistes – Tahiti aux temps anciens p 438.
Illustration, Légende du Tumu Uru par Sarahina.

Crayons de soleil : Projet pédagogique autour de l’arbre à pain 2015