Née de la tradition orale des Îles-sous-le-Vent, la légende de Haumanavaitu et de ses quatre fils raconte comment le district de Niua e maha de l’île de Tahaa fut appelé Poutoru.
A l’époque où Haumanavaitu bâtit avec son époux Utarii le marae de Fare Patapata dans le district de Poutoru, ce dernier se nommait encore Niua. Quatre fils naquirent de l’union de Haumanavaitu et de Utarii ; ils s’appelaient Ruahearii, Ruahemahuta, Ruaherarape et Tuturiteautama. Le district fut appelé Niua e maha.
Un pou rouge
Un jour, il advint que Haumanavaitu invita ses quatre fils à l’épouiller, c’est-à-dire à la débarrasser des poux qu’elle avait dans les cheveux. Elle leur interdit seulement une chose : de lui retirer le pou rouge qui y était accroché. Le plus jeune des enfants, étourdi, brava pourtant cet interdit et mangea le fameux parasite. Lui parvint alors l’étrange révélation de la nature dissimulée de sa mère : son geste avait émerger le pouvoir et la rage de l’ogresse qu’elle était, sans que lui et ses frères ne l’aient jamais su.
Comment éloigner leur mère, Haumanavaitu ?
Tuturi prévint alors ces derniers qui lui confièrent la responsabilité de trouver une solution pour régler cette situation. Le jeune homme tendit donc un piège à sa mère, lui demandant d’aller puiser de l’eau au puits de Vaipahu après avoir percé les calebasses qu’il lui avait confiées.
Haumanavaitu qui découvrit le subterfuge un peu tard, gagna la plage à l’endroit appelé depuis « Tiarere », avec l’intention de voler pour les rattraper. Mais elle n’y parvint pas puisque une partie de ses pouvoirs lui avait été dérobée par son dernier fils. Ce fut lorsqu’elle se rendit au puits de Vaihipa que lui apparut dans l’eau l’image de ses enfants voguant en direction de Raiatea. Prise de colère, elle se jura de les dévorer un par un.
Au cap de Haariiti, elle attacha deux noix de cocos en guise de flotteurs et se mit à l’eau au rivage appelé depuis « Pouhono » (ou Poufano). L’écume formée par ses mouvements avertit ses quatre enfants qu’elle était à leurs trousses.
Des uru grillés, durs comme de la pierre
Pendant ce temps, les quatre frères se construisirent un radeau en bambou sur lequel ils allumèrent un feu avec du bois sec et chauffèrent longuement de grosses pierres rondes. Ils prirent ensuite la direction de Raiatea.
Pendant que Haumanavaitu leur lançait des jurons et qu’elle les maudissait, Tuturi lui jeta une première puis, une deuxième pierre brûlante dans la bouche. Pensant que c’était uru bien grillés. Elle les avala avec ténacité et continua de nager à toute allure. A la troisième pierre avalée, elle coula à pic dans les profondeurs de l’océan y laissant depuis une blancheur indélébile. On peut encore voir ces rochers, quand l’eau est claire, sur le fond du lagon entre Tahaa et Raiatea.
Fruits de l’arbre à pain (Uru) cuit au feu de bois
Le retour sur la terre natale de trois frères
Après cet horrible incident, les frères se réunirent à Apoo iti sur l’îlot de Motu Tapu : ils se firent la promesse de ne plus retourner à Niua e maha. Et le temps passa.
Un jour pourtant, les trois frères aînés retournèrent à Tahaa. Tuturi resta à Raiatea. Malgré la décision de leur jeune frère, les trois autres retrouvèrent Tahaa et partagèrent en quatre parts équitables les terres qu’ils avaient héritées. C’est depuis ce partage que Niua e maha prit le nom de Poutoru parce que seulement trois des quatre frères étaient revenus sur leur terre natale.
Jumeaux mais rivaux
Le retour à la terre natale du plus jeune frère s’accomplit et en toute discrétion par l’intermédiaire de ses enfants jumeaux, une fille et un garçon qu’il avait eu d’une première femme. Cette dernière avait placé ses tous jeunes enfants dans une calebasse qu’elle avait laissé dériver au gré du Taurere jusqu’au cap de Otueheru entre Houino et Poutoru. Ils chuchotèrent ainsi deux fois : « e rua, e rua, e rua e, a fafa mai te ava i Toanui i ite maua ra na metua. Ia Aruriri, ia Arurara, ia Arutaua Niua ».
Un vieillard nommé Taariihatueru, qui pêchait à ce moment là, avertit sa femme et ils les adoptèrent avec une grande joie. Sur l’îlot Toahuapuhi, ils prirent du bambou qui leur servit à couper le cordon ombilical des enfants. Ensuite, ils se rendirent à Te Porio Apu afin d’y enterrer leur placenta sur le papae Arure. De la naquit le fameux arbre appelé le tataramoa visible dans la vallée de Apu.
Les deux enfants nommés Taari et Hei’ura-i-te-ra’i grandirent chacun choyé par l’un de leur deux parents, mais dans en étant sans cesse en conflit, tels deux guerriers rivaux.
La murène rouge
Un soir, en ayant assez de mener une telle existence, Hei’ura-i-te-ra’i se rendit au bord de la mer et invoqua son ancêtre Hamanavaitu qui lui dit de se déshabiller, ce qu’elle fit. Hei’ura-i-te-ra’i fut transformée en murène rouge et devint une véritable enragée de l’océan rôdant dans le cap de Apoo puhi et ne laissant personne entrant dans ce dernier en vie.
Un jour, après s’être muni d’un harpon de bambou confectionné par son père, Taari qui s’était ceint d’un pareu se rendit dans la baie de Mao où il tua et dépeça un requin.
Murène. Photo Jean-Claude Samoyau
Il passait alors pour un véritable Toa tai, un véritable guerrier du côté de la plage. A la baie de Apoo puhi, il vit la murène lovée dans l’océan et l’observa d’une falaise rocheuse ; elle, se cachait.
Sa sœur le reconnut mais pas lui. Taari appelle sa sœur au combat. Cette dernière sachant qu’elle n’aurait pas le dessus se montra pourtant et fut transpercée, laissant Poutoru mener une vie plus paisible. Les parts de la murène furent distribués à chacun des districts de Tahaa.
Sources :
Archives Tahiti Heritage
Lors du Heiva i Tahiti 2012, la légende de Haumanavaitu a été interprétée par le groupe Tamari’i Tīpaeru’i .
Photos 1 et 4 : Matareva / Teava Magyari.