Dans chacune des agglomérations, on trouvait un bâtiment peint en bleu, immuablement. C’était le cinéma. Mais les habitués des salles bleues ne connaissent pas le plus beau, le plus précieux des Cinés Tony .
L’histoire commence en 1931. L’acteur américain Douglas Fairbanks était venu à Tahiti pour tourner un film. Au retour d’un banquet, il passa devant la léproserie de Orofara et s’arrêta pour dire un mot d’amitié et demanda : » Que puis-je faire pour vous ? « . Et ceux-ci, de répondre : » Nous voudrions voir un de vos films » Avant de quitter Tahiti, Douglas Fairbanks laissa au Consul des U.S.A. 2,500 francs pour réaliser ce projet. Et il repartit…. Mais le plus difficile n’était pas fait. Qui acceptera d’aller faire du cinéma chez les lépreux ?
Il y avait alors à Tahiti, un certain Tony. Avec son unique et modeste appareil, il donnait, çà et là, des représentations. » Il faut en donner une aux malades d’Orofara « , lui dit la femme du Consul. Tony se rendit donc à la léproserie, avec l’opérateur. Ils entrèrent ensemble et virent les malades en haillons avec sur les plaies atroces, des pansements faits avec des feuilles de bananiers… Le film fut projeté. » Tapiti, Tapiti » (recommencez, recommencez !) criaient les lépreux. On recommença.
Heureux d’un très doux, d’un nouveau bonheur, Tony revint chez la femme du Consul américain qui lui tendit le salaire convenu. – » Non, dit Tony, c’est moi qui aurais dû y penser plus tôt « .
Tony est devenu Tony Bambridge, conseiller privé du Gouverneur, chevalier de la Légion d’honneur, homme influent et écouté de toutes les Îles. Tony a construit pour les malades, pour ses amis, un Ciné Tony .
« Si nous oublions Tony Bambridge, toutes les pierres ici nous crieraient son nom… » dit un habitant de la vallée.
La voiture de Tony Bambridge devant l’entrée de la léproserie d’Orofara
La camionnette des Cinés Tony, quelques années plus tard.
Sources :
Archives de la famille BAMBRIDGE –
FOLLEREAU Raoul 1953 Tour du monde chez les lépreux, Flamarion Paris