Ta petite Rarahu n’est pas morte tout à fait ô Loti bien aimé, je viens représenter toutes celles qui restent encore dans l’île.
Ce sont les quelques mots prononcés le 16 juillet 1934, par une jeune Tahitienne prénommée Roti, alors qu’elle vient de couronner la statue de Pierre Loti, que l’on inaugure en grande pompe ce jour là, au lieu dit Puaatehu, plus connu aujourd’hui encore sous le nom de Bain Loti, dans la vallée de la Fautaua. Cette cérémonie au cours de laquelle une foule endimanchée découvre le buste de l’écrivain français derrière un obélisque de niau (feuilles de cocotier tressées), est l’aboutissement de quatre ans de travail.
Le Bain Loti
Le Bain Loti, vallée de la Fautaua, en 1935.
Photo Lucien Gauthier
Le Comité Loti
C’est en effet le 25 janvier 1930, que les érudits locaux de la Société des études océaniennes envisagent sérieusement d’immortaliser à Tahiti l’auteur du célèbre roman Le Mariage de Loti édité à Paris en 1879 sous le titre de « Rarahu, idylle polynésienne ». Ils décident de faire réaliser une statue de Pierre Loti pour faire revivre et de perpétuer dans le cadre tahitien le souvenir de celui qui a tant aimé Tahiti, qui l’a si bien compris et dépeint. En 1932, André Ropiteau se passionne pour ce projet et devient président du Comité Pierre Loti, pour lequel il se démène tant bien que mal, organisant conférences et projections de films sur Tahiti ici et à Paris et enfin, le 20 janvier 1934, le buste réalisé par l’artiste Philippe Besnard, fils du grand peintre Albert Besnard, arrive à Papeete.
Le 16 janvier, en peine période de fêtes du Tiurài, c’est le grand jour. Tout le monde est blanchement endimanché au fond de la vallée de Titioro au lieu dit “Bain Loti”… “Se pressant vers une sorte d’obélisque enveloppée de grandes feuilles vertes de cocotier.. Des muto’i faisaient une première haie d’arrivée ; des matelots tahitiens de la Zélée, des soldats tahitiens de l’infanterie coloniale rendaient les honneurs militaires ; tous les chefs français et tahitiens étaient là, entourés d’une grande masse recueillie d’admirateurs de Loti, de Tahitiens de cœur ou de sang”.
André Ropiteau prononça son discours dithyrambique, rappelant que Loti fut à Tahiti ce que doit être Tahiti à Loti et enfin, s’inclinant, s’adressa au buste encore caché en prononçant les mots : “la ora na ‘oe e Rôti”.
Loti est-il bien loti ?
Ainsi Loti se découvre à la bonne société tahitienne de l’époque dont une très grande partie ne savait pas à quoi ressemblait vraiment Loti. Il est là enfin devant eux, souriant de jeunesse et de bonheur…Oui mais voilà, Loti ressemble curieusement au président du Comité Pierre Loti, un certain André Ropiteau. Simple hasard peut être ou coup magistral de celui qui s’est tellement démené pour ce buste qu’il a peut être cherché à s’identifier, un peu trop, à son héros.
Sources :
Mémorial Polynésien.
John Maire, Loti est t’il bien loti ?
Photo 2 : Une tahitienne auprès de sa soeur rarahu sculptée sur le socle du buste de Loti. 1934 – L’illustration n°4772 p 320
Photo 3 : Gauthier Tahiti, Le bain Loti dans les années 30