Situé à 355 km au Nord Est de Tahiti, Rangiroa, est l’atoll le plus étendu et le plus peuplé des Tuamotu. C’est aussi celui qui possède la plus grande surface émergée. C’est enfin l’atoll qui a développé l’économie la plus diversifiée des Tuamotu, autour du tourisme, de la perliculture, de la pêche, et du coprah.
Géographie de l’atoll de Rangiroa
Avec 7900 hectares de terres émergées réparties en 415 groupes d’îlots, l’atoll de Rangiroa possède un lagon intérieur turquoise de 80 km de long, 32 km dans sa plus grande largeur et 5 km dans sa plus petite largeur. C’est le plus grand atoll des Tuamotu, l’île de Tahiti y compris sa presqu’île, tiendrait dans son lagon.
Deux passes s’ouvrent sur sa côte Nord et permettent l’accès à l’intérieur de l’atoll des navires. Ce sont la passe de Hutuaara à l’entrée du village d’Avatoru et la passe de Hiria à l’entrée du village de Tiputa.
Il y a près de 300 ans, un phénomène particulier a déplacé certains fonds sous-marins de Rangiroa, soulevant des blocs calcaires gigantesques, et les déposant sur le récif. Le plus volumineux d’entre eux fait 1000 m3 et pèse 1500 à 2000 tonnes. Ces blocs se trouvent sur la pointe Nord-Ouest du grand atoll.
Histoire ancienne de Rangiroa
Rangiroa appartient à l’aire culturelle du Mikiroa, c’est-à-dire à la même vague de navigateur qui peupla Matahiva, Tikehau, Arutua, Apataki, Kaukura, Makatea et Niau.
La tradition veut que les premiers ancêtres des habitants de l’île soient les bernards l’hermite. Ensuite, Oio (dont on retrouve le nom dans le panthéon de Raiatea) s’installa à Vahituri, à l’extrémité Est de l’île où il éleva le grand marae Ra’ipu que son fils Tutehoua termina. Ce dernier eut deux fils et une fille avec Punaiteahitaa ; ce fut le début du peuplement de l’atoll. Ce peuplement et ces légendes à résonance biblique remonteraient au 14e siècle. Ces envahisseurs se seraient fondus, puis substitués aux « anciens tahitiens », plus sombres de peau, qui habitaient l’île.
Rangiroa était entièrement peuplée vers le 10è siècle et comportait plusieurs villages : Tereia, Fenuaroa, Otepipi, Tevaro, Avatoru et Tiputa près desquels on a retrouvé plusieurs marae et des dizaines de fosses de culture.
On conserve ensuite le souvenir d’un cataclysme qui détruisit la partie Sud du motu Fenuaroa, puis de guerres contre Kaukura et, surtout, contre Anaa. Vers 1560, un nouveau cataclysme faillit engloutir l’île, détruisit le motu Taeoo à l’Ouest de l’atoll et causa la disparition de presque toute la population.
Vers le milieu du 15ème siècle, cette population se regroupa, pour des raisons de sécurité, dans les trois villages de Tivaru, Avatoru et Tiputa, situés près des trois passes, afin de mieux se protéger contre les attaques d’Anaa. Ce regroupement accéléra la vie sociale des habitants. Rangiroa avait alors la réputation d’aimer les danses qui se célébraient la nuit, au clair de lune, sur les marae de jeux. Ce fut une période de paix.
La population s’accrut et noua des relations avec Tahiti, par Makatea et Mehetia.
Le marae Maherehonae de Rangiroa en 1951
les luttes contre les parata, les guerriers d’Anaa
Vers 1769, une expédition de représailles échoua contre Anaa et, vers 1800, les luttes sanglantes avec les parata d’Anaa reprirent avec plus de violence. L’état d’insécurité s’accrut à Rangiroa au fur et à mesure qu’augmentait la puissance d’Anaa.
Les habitants de Rangiroa passaient pour de piètres guerriers et les gens d’Anaa appelaient leur île » tipua rori » (vivier à holothuries). Le chef Parara de Rangiroa fut assassiné à Tivaru par ses guerriers, sur l’ordre de son épouse Apaga, originaire d’Anaa. La majeure partie de la population fut alors exterminée. Les survivants alertèrent les atolls voisins de Tikehau et Matahiva et se réfugièrent dans les grottes de Makatea. Poursuivis par leurs implacables ennemis, ils allèrent se placer sous la protection de Pomare II, roi de Tahiti, qui leur offrit l’hospitalité à Tautira et sur la côte du Pari. Ce séjour aurait duré vingt années.
En 1821, Pomare II réunit à Aimeo (Moorea) les chefs des Tuamotu et fit régner la paix dans l’archipel vers 1823-1826, époque qui correspond au début de la pénétration européenne.
De retour à Rangiroa, la population reprit son habitat dispersé. Mais les missionnaires, d’une part, le cyclone de 1906 qui ravagea Tivaru, d’autre part, accéléra le mouvement de regroupement des gens de l’Ouest à Avatoru tandis que ceux du Sud s’installèrent à Tiputa.
La découverte par les navigateurs européens de Rangiroa
Bien que découvert dès 1616 par Le Maire et Schouten puis visité par Roggeven en 1722 et par le commodore américain Charles Wilkes, à bord du Vincennes en 1838, Rangiroa ne vit s’installer les premiers Européens qu’en 1851 : il s’agissait de missionnaires catholiques qui, en incitant la population à planter des cocotiers à partir de 1865, firent entrer l’atoll dans l’ère coloniale. Les vestiges d’un ancien village (une petite église et un cimetière) sont visibles au motu Otepipi.
Le village d’Avatoru à Rangiroa en 1898. Photo Lemasson
Le village de Tiputa en 1958
En 1963, le Club Méditerranée fit une première installation à Rangiroa puis quitta l’île pour Tikehau en 1964 (V. p. 206), faute de liaisons régulières. Celles-ci furent établies en 1965, par hydravion Bermuda. A partir de cette dernière date, le club reprit ses activités et, en 1966, la ligne d’aviation était ouverte.
Economie de Rangiroa
Rangiroa a bénéficié de la croissance économique et urbaine de Tahiti dès les années 1950. Ses agriculteurs fournissaient de grosses quantités de coprah. Les pêcheurs, eux, se sont très tôt organisés pour tirer parti du lagon. Ils approvisionnaient les travailleurs de la Compagnie Française des Phosphates de l’Océanie (CFPO) exploitant le gisement de Makatea, et expédiaient 40 tonnes de poissons frais en 1960. Rangiroa est encore de nos jours gros producteur de poissons lagonaires, expédiés frais sur le marché de Papeete, ou salés sur place.
L’atoll est mondialement connu pour les magnifiques plongées que l’on peut effectuer tout le long du récif barrière, dans la passe d’hotuaura d’Avatoru, la passe Hiria de Tiputa ou à l’aplomb des îlots coralliens au milieu du lagon.
Sources :
Archives Tahiti Heritage.
François Doumenge : L’Homme dans le Pacifique Sud