Papeete d’antan : Au cinéma Bambou dans les années 50

Casino, Théâtre Moderne, Bambou et Tamarii Tahiti, quatre cinémas pour les quatre mille six cents habitants de Papeete dans ces années 50. Découvrez l’ambiance d’une séance de cinéma à cette époque.

Les chevelures dénattées, ointes de monoï, resplendissent. Des robes blanches, roses, bleues, jaunes, vertes, des complets-veston clairs et foncés – toute la gamme des couleurs – cheminent sur une symphonie de chaussures craquelantes. C’est l’heure du cinéma.

Devant l’entrée, deux gamins frénétiques rossent implacablement une grosse caisse et un épais bambou, auxquels ils arrachent des sons pesamment creux, cependant qu’un troisième tambourine à baguettes sautillantes sur le grêle fer-blanc d’un bidon à essence vide.

Accroupies, des tresseuses de couronnes ont étalé devant elles leurs tiare capiteux. Dans un inextricable fouillis de gens, d’automobiles et de petites voitures que poussent des Chinois pourvoyeurs d’ice-cream, oranges, pastèques et autres friandises, on se presse, on se bouscule. Un frôlement de hanche libre que n’emprisonne point un corset, une bouffée de tiare tenace s’exhalant d’oreilles fleuries on est entré.

Plus forte que les flonflons de l’orchestre – piano, piston, accordéon, ukulele hawaïen et mandoline – une voix éclate, impérieuse, qui s’impose comme un haut-parleur : elle traduit en tahitien les péripéties gaies ou tristes qui se déroulent sur l’écran. Aux moments de vif enthousiasme, cette voix sombre dans une tempête de cris ; des tourbillons de rires l’abolissent aussi parfois. Mais bientôt elle domine le vacarme.

C’est l’entracte, un enfant se pourlèche d’ice-cream qu’enrobe un cornet en biscuit. Une vahine meurtrit de ses dents gloutonnes une tranche de pastèque