Vaima (vai : eau, ma : pure, claire) est située dans la commune de Mataiea à quelques mètres de la route de ceinture. C’est une rivière millénaire, qui a voyagé sous terre, du mythique lac Vaihiria jusqu’au petit bassin si fréquenté par des Polynésiens de tout âge : La rivière Vaima fait partie de la vie des habitants de Mataiea mais aussi de celles des nombreuses personnes ou de randonneurs venus s’y rafraîchir après une longue marche.
Aux temps anciens, imaginez cette rivière, sans le petit pont que nous avons aujourd’hui : Elle est alors bordée d’une végétation dense et le bassin formé de pierres existe déjà. Certains habitants de Mataiea sont là depuis des générations et s’il est difficile de connaître les secrets de la rivière Vaima, nous récoltons parfois des bribes de son histoire. Elle est contenue dans une légende mythique qui a été chantée maintes fois lors des Heiva ou Tiurai, relatant l’histoire de ce coco que l’on lançait dans un puits du côté du lac Vaihiria et qui ressortait décortiqué du bassin de Vaima. Cette légende me fut racontée par une femme qui semblait y croire :
Avec mon papa, quand j’étais petite nous allions à cet endroit, je me souviens que nous jetions le coco dans ce trou pour nous amuser… autrefois le coco ressortait vraiment dans le bassin de Vaima ! Mais aujourd’hui avec la pollution ou le temps, ça doit être bouché.
Cette légende ancestrale a la sagesse de nous apprendre d’où vient la source Vaima et elle révèle son parcours sous-terrain jusqu’au bassin. Il est dit que dans les temps anciens, le bassin de Vaima servait à purifier les corps des morts. On apportait le corps du défunt et on le lavait dans ce bassin à l’eau glacée. On déposait ensuite le corps sur une plateforme pour le sécher avant l’embaumement et toute la tradition funéraire qui s’en suivait.
L’eau qui guérit le corps et l’esprit
Le point d’eau situé à cet endroit de Mataiea contenait deux bassins : le premier bassin plus en amont, où nous voyons souvent des enfants en bas âge avec leurs mères, ou des gens assis en son cœur, parce que c’est un tout petit bassin peu profond, se nomme « Vaituana » : il s’agirait de l’eau qui guérit les esprits, tout ce qui est lié aux troubles psychologiques, aux dépressions. Le plus grand bassin, dénommé « Vaima » est connu pour apporter des guérisons aux corps et souvent, les femmes qui venaient d’accoucher, y allaient pour soigner leurs parties intimes. Ella qui a 96 ans témoigne :
Il est arrivé, je l’ai vu de mes yeux, que le matin, le tahua de Mataiea. Il allait chercher les enfants, les personnes âgées et les malades. Il leur avait dit de lire la veille des passages bien précis de la bible, selon ce qu’ils avaient comme maladie ou souffrance. Il ne faisait pas encore tout à fait jour, mais on voyait les gens marcher derrière lui sur le bord de la route, jusqu’au bassin de Vaima. Le tahua, tout le monde le craignait, il n’était pas un charlatan ! C’était un vrai tahua ! Il allait dans le bassin de Vaima et on voyait tous les gens les uns derrière les autres, attendant leur tour de passage. Personne ne devait aider les vieux, ils devaient venir tout seul dans le bassin. Ensuite la personne rejoignait le tahua et là il faisait des incantations, il appelait des dieux et en même temps il disait des paroles d’évangile, il mélangeait les dieux tahitiens et le Seigneur, il faisait appel aux deux ! J’ai vu de mes yeux, un homme qui avait peine à marcher entrer dans le bassin, le tahua l’a plongé tout en faisant ses prières, l’homme est ressorti, sans boiter. C’était maléfique. Jamais je ne les ai rejoins.
L’eau de Vaima est pure, purifiante, elle éclate de joie, parfois en sanglots sous la pluie ; de son plus gros rocher, des enfants sautent, s’amusent et rient. On dit que les pierres qui bordent son bassin ont l’allure de chiens de garde au repos. Elle abrite en son sein quelques anguilles, quelques rares chevrettes et des petits crabes de rivière. La plus vieille anguille de Vaima a été baptisée Maspo par les adeptes de cette rivière : Très épaisse, elle doit faire environs 1,65 m et elle n’a qu’un seul œil, des enfants lui ont crevé un œil lorsqu’elle était plus jeune.
L’eau de Vaima doit être respectée, aimée et protégée. Elle le mérite de par son histoire et aussi par la joie qu’elle nous apporte depuis plusieurs générations.
Ariirau Richard-Vivi
Sources :
Ariirau Richard-Vivi, Respectez, aimez, protégez Vaima. A fa’atura, a here, a pāruru ia Vaima, mars 2016