La tradition veut que deux fois par an, le 1° janvier et pendant les fêtes protestantes du « Me », l’intégralité des villages de Rurutu soient repeints à la chaux, une technique sans doute introduite par les missionnaires.
« Ces petits murets me rappellent mon Kent natal, au sud de l’Angleterre » disait le missionnaire protestant John William.
Chaque village possède son four à chaux collectif qui peu approvisionner la population en peinture pendant plus de cinq années, s’il a été réalisé en respectant quelques règles.
Murets et maisons
Quand les missionnaires débarquent à Rurutu, en 1821, au lendemain des grandes épidémies, ils regroupent les habitant autour des villages. Le partage n’est pas simple. Le droit du sol était avant tout fonction du premier pied posé sur la terre. C’est ainsi que John Williams fera construire ces murets, sorte de limite cadastrale de chacun des clans des villages. Il faut construire aussi le premier temple et quelques maisons en dur.
Quand les premières maisons en dur sont construites, elles ne sont qu’un dortoir collectif ou tout le monde dort au sol, sur des nattes. A mesure que les enfants fréquentent, plus question de dormir dans ce dortoir. C’est la paroisse, avec les parents, qui décident d’agrandir cette maison. Les enfants reçoivent leur cochon et leur « pai taro », au pied de la montagne. Pendant ce temps, tous les paroissiens s’activent à la construction du four à chaux.
C’est ainsi que la technique du « four à chaux » sera introduite dans l’île de Rurutu, où la géologie s’y prête parfaitement. Les falaises verticales qui surplombent l’océan sont issues du récif corallien projeté hors de l’océan il y a 1 million d’années. La quantité de blocs de coraux qui parsèment les lagons est certainement inépuisable.
La technique du four à chaux
On commence par creuser une grande fosse de 10 m de long pour 5 m de largeur et 2 m de profondeur.
Cette fosse sera ensuite comblée de troncs de Aito (Bois de fer) un bois très dur qui dégage une très forte température. Il faut plus de 1000° pour transformer le calcaire en chaux, et il brule jusqu’à la dernière cendre. Plusieurs couches de troncs de cocotiers seront ensuite posées par-dessus, de manière très serrée, afin d’assurer une quasi étanchéité.
La mise à feu du four à chaux.
De gros blocs de corail fossile arrachés par la houle au récif sont prélevés dans le lagon puis disposé par-dessus les troncs de cocotiers afin de caler le tout. Puis des blocs de plus en plus petits viennent achever la construction qui doit être le plus étanche possible. Seule une ouverture, face au vent dominant, généralement le Maaraamu de l’hiver austral, saison la plus sèche, est pratiquée afin d’enflammer le tout. Il ne faut surtout pas que de grosses pluies surviennent car toute la construction serait à refaire.
Un tas de pierres de corail
Après quelques heures, une fois que les flammes attisées par le vent ont attaqué l’ensemble, l’ouverture est bouchée de manière hermétique. Pendant les quatre à cinq premier jours, les anciens surveillent le bûcher jour et nuit, relevant le tas à mesure qu’il s’affaisse.
Puis l’ensemble continue de se consumer lentement pendant encore une dizaine de jours. Le four est ensuite totalement abandonné aux intempéries pendant plusieurs mois. La pluie vient gonfler cette chaux pour en faire une pâte blanche.
La mise à feu du four à chaux.
Fin novembre, début décembre, les premières fortes pluies éteingnent lentement le feu. Il suffit d’ouvrir le four pour en extraire une pâte blanche avec une pelle et un seau. En délayant la pâte avec un peu d’eau, on obtient un enduit à base de chaux qui permet de repeindre l’intégralité des villages.
Autrefois, cette chaux mélangée au sable de mer servait de ciment et les moellons de corail remplaçaient avantageusement les parpaings.
Le four à chaux fume encore.
Sources :
Yves Gentilhomme, Rurutu, Texte et photos.